Les primeurs bordelais 2014 continuent… tant que les prix sont raisonnables
Parmi les bordeaux 2014, ceux aux prix corrects font grand bruit mais les marchands ignorent certains vins renommés dont les prix sont rédhibitoires pour les acheteurs.
Mardi, les grands noms que sont Haut-Brion et Cos d’Estournel, ainsi que le très respecté Tertre Rotebœuf, ont sorti leurs vins en primeur. La semaine précédente, Angélus, Palmer et Lynch-Bages (entre autres) avaient fait de même.
Selon les propos de Will Hargrove de Corney & Barrow recueillis par Wine Searcher, pour le moment, cette campagne a connu « de nombreux faux départs », mais « elle pourrait encore devenir la meilleure depuis 2010 ».
Will Hargrove a trouvé encourageantes les sorties de trois vins de la famille Mitjavile à Saint-Émilion (Tertre Rotebœuf et Roc des Cambes par François Mitjavile, et L’Aurage par son fils, Louis). Les sorties de la semaine précédente, surtout Palmer et Angélus, l’ont en revanche moins enthousiasmé.
« Les prix des vins de la famille Mitjavile ont légèrement baissé et se portent bien, ce qui est génial, mais [ceux de] Palmer et Angélus sont plutôt ambitieux. »
Angélus a été le premier des vins de la rive droite à sortir son millésime 2014, au prix de 180 € la bouteille, soit une hausse de 9 % par rapport à 2013. Palmer, le Troisième Grand Cru de Margaux, connaît une hausse similaire de 7 % et atteint 160 €. Will Hargrove a déclaré qu’ils ne proposeraient pas ce dernier à la vente : « Nous aimons vraiment ce vin mais nous ne pensons pas que nous rendrions service à nos clients avec un prix pareil. »
Giles Cooper, un marchand londonien qui travaille pour Bordeaux Index, est du même avis. « L’Asie est le principal marché d’Angélus, et il ne s’y passe pas grand chose. On a vendu plus de Palmer, mais pas de gros volumes. »
Chez un autre marchand londonien, Handford Wines, Greg Sherwood a déclaré être très intéressé par les crus bourgeois de milieu de gamme et les seconds vins de qualité.
« Les acheteurs en ont assez des vins iconiques aux prix excessifs. Quand ils considèrent une caisse de Palmer à 1 500 £ (2 070 €), ils se disent qu’ils pourraient acheter une sacrée quantité de brunello ou de vins de la vallée du Rhône pour le même prix. »
Le Premier Grand Cru Château Mouton Rothschild est sorti tôt et est celui qui a généré le plus d’enthousiasme. Corney & Barrow’s ont déjà vendu tout leur stock, ainsi que leur allocation de Lynch-Bages, un Cinquième Grand Cru de Pauillac très respecté.
Haut-Brion (240 € la bouteille) et le saint-estèphe Cos d’Estournel (84,50 €) ont été accueillis avec moins d’enthousiasme.
La plate-forme d’échanges Liv-ex remarque que le pessac-léognan classé Premier Grand Cru « est le deuxième millésime le moins cher du marché, même si ce n’est pas de beaucoup. Les millésimes 2006 et 2008 ont de meilleurs scores et sont disponibles à un prix à peine plus élevé que le prix de sortie du millésime 2014. »
Le directeur général de Liv-ex, James Miles, a ainsi publié un tweet tranchant : « Les millésimes plus anciens sont de trop bonne qualité pour que cela fonctionne. #dommage »
Même si les réactions sont mitigées, la campagne des primeurs n’est pas morte. Certains vins sont très intéressants, selon Giles Cooper, et il y a une réelle impulsion.
« Cela peut sembler atroce, mais au mieux, nous nous attendons à ce que les clients soient indifférents », a-t-il déclaré à Wine Searcher. « Nous craignions que les prix soient si élevés que les acheteurs se sentent abusés. Ce n’est pas arrivé ; les consommateurs ne sont pas en colère comme ils l’étaient les années précédentes, ce qui donne une campagne plus énergique, qui a de l’élan. »
Il a expliqué qu’on attendait toujours des « sorties significatives » comme Pichon Lalande, Léoville Las Cases, Grand-Puy-Lacoste et Domaine de Chevalier, et que si les prix étaient corrects, cette impulsion durerait encore…
le mercredi 6 mai 2015
Adam Lechmere