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Un investisseur chinois propriétaire d’un Premier Grand Cru ?

Des experts indiquent que plusieurs candidats fortunés seraient prêts à sauter le pas, alors que les achats de domaines bordelais se poursuivent.

La Chine importe peut-être moins de vins de Bordeaux, mais les investisseurs chinois cherchent toujours à acheter des domaines dans le Bordelais. Trois châteaux ont récemment été achetés par des investisseurs chinois, et d’autres devraient suivre. Selon les experts, les exploitations vinicoles sont perçues comme des investissements sûrs et sophistiqués, autant pour des conglomérats que pour des magnats de l’industrie. « Le château est un des actifs qui a la plus grande valeur de trophée », a expliqué Rupert Hoogewerf, le fondateur de Hurun Report, basé à Shanghai, qui suit l’évolution des richesses et des habitudes des plus grandes fortunes de Chine.

Ses propos ont été confirmés par une spécialiste de l’immobilier bordelais. « Acquérir un château est une nouvelle manière de montrer sa richesse sans passer pour un nouveau riche, une image qui n’est pas valorisée en Chine », a expliqué Li « Lily » Lijuan, qui travaille pour l’agence immobilière Maxwell Storrie Baynes, une filiale de Christie’s dans le Bordelais.

Selon elle et d’autres, le Bordelais reste la région de choix pour les investisseurs chinois qui cherchent à acheter un domaine à l’étranger. « En Bourgogne, il est plus difficile de trouver un domaine, et le Bordelais inspire plus de confiance [aux clients] », a indiqué Li Lijuan. « Cette région est plus ouverte aux étrangers, et la revente y est plus facile. Ils cherchent en premier lieu à Saint-Émilion, c’est très connu. »

La plupart des acquisitions chinoises concernent pour l’instant des domaines modestes mais beaucoup prévoient une évolution dès que l’opportunité se présentera.

« Certains de nos investisseurs chinois sont prêts à mettre des centaines de millions d’euros sur la table. Si un Premier Grand Cru est mis en vente, comme Margaux ou Cheval Blanc, les Chinois seront dans les starting blocks », a déclaré Hervé Olivier, directeur des opérations financières de la Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural) Aquitaine-Atlantique.

Maxwell Storrie Baynes a récemment conclu deux transactions avec des acheteurs qui figurent sur la liste de Hurun Report. Chen Miaolin, dont la fortune s’élèverait à 1,1 milliard de dollars (1 milliard d’euros), a acheté le Château de Birot dans l’appellation Cadillac (Côtes de Bordeaux). Le domaine appartenait jusque-là à la famille Fournier-Castéja. Arthur, le fils d’Eric Fournier, conservera la direction du domaine qui compte 37 hectares de vignes.

Chen Miaolin est propriétaire du plus grand groupe hôtelier de luxe privé de Chine, Zhejiang Kaiyuan (aussi appelé New Century Tourism), et a récemment acheté l’hôtel Château d’Esclimont près de Versailles. Il a décidé d’investir dans le Bordelais après avoir mené une équipe cycliste senior sur la route du Tour de France en 2011. « Il a vu le vignoble et a décidé qu’il voulait un peu de l’art de vivre français », a expliqué Li Lijuan.

Il a visité vingt châteaux avant d’acheter le Château de Birot et aimerait en acheter encore deux ou trois autres. Le Château Birot est déjà connu en Chine grâce au concours que son nouveau propriétaire a lancé pour la conception d’une nouvelle étiquette.

Li Lijuan a également conclu récemment la vente du Château Renon, qui compte environ 10 hectares de vignes situés dans les Côtes de Bordeaux. L’acheteur est Zhou « James » Yunjie, le propriétaire d’ORG Packaging. Sa fortune s’élèverait à 1 milliard de dollars (95 millions d’euros). Membre de la Jurade de Saint-Émilion, il importe aussi du vin et avait déjà acheté en 2008 l’entreprise vinicole Sunshine Creek dans la Yarra Valley en Australie.

« Il connaît du monde dans le Bordelais. Au départ, il voulait seulement une maison de vacances », a expliqué Li Lijuan. La demeure du XIXe siècle a été rénovée en 2002 par un expert du feng shui. Elle comporte également des caves du XVIe siècle et des étables.

Selon des sources locales, le Château Preuillac, dont le vignoble s’étend sur 30 hectares dans le Médoc, a été vendu à un investisseur chinois inconnu qui possède déjà deux autres domaines. Les familles Mau et Dirkswager ont décidé de vendre suite à deux récoltes aux rendements désastreusement bas.

Hervé Olivier a déclaré à Wine Spectator que deux autres transactions avec des acheteurs chinois étaient en cours : « Une à Fronsac et une dans le Médoc. Ce ne sont pas des domaines connus mais le terroir est intéressant et ces acheteurs n’ont à faire face à aucune concurrence. »

Les banques internationales ont facilité ces investissements en allongeant les crédits pour l’achat d’actifs en Chine, tout en proposant des taux d’intérêts plus bas en France.

Pour les investisseurs chinois, la courbe d’apprentissage de l’immobilier bordelais a d’abord augmenté très rapidement. Aujourd’hui, ils glanent des conseils auprès de la communauté chinoise grandissante dans la région. « Les investisseurs sont de plus en plus professionnels et connaissent la classification. C’est un investissement à long terme », a affirmé Li Lijuan. « Les vignes donnent leur meilleur vin à vingt ans. En Chine, dans vingt ans (ou plus tôt), [l’État] peut décider de construire une école sur votre vignoble. Le Bordelais est un environnement d’investissement stable pour les Chinois. »

Suzanne Mustacich

Publié le 12 mars 2015

Wine Spectator

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