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Bourgogne 2012 : une naissance difficile

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Certains millésimes voient le jour sans encombres : le vigneron n’intervient que sereinement et rarement, comme le capitaine d’un bateau en eaux calmes. Mais il n’est pas rare que la route vers la naissance d’un millésime ressemble plutôt à une bataille, une lutte de tous les instants pour empêcher le bateau de sombrer et pour arriver à destination en limitant les dégâts !

Ce fut le cas en 2012, millésime unique (mais quel millésime ne l’est pas ?) dont se souviendront longtemps ceux qui luttèrent en première ligne contreAubert de Villaine les meilleurs « soldats » de la nature : le mildiou et l’oïdium.

Mars fut très sec et presque estival (22° C en moyenne). Le bourgeonnement fut ainsi plus précoce qu’en 2007, jusque-là année repère (et record en matière de précocité). On crut que les vendanges allaient avoir lieu en août ! Mais ce que nous retiendrons de ce mois atypique, ce sont les orages du 26 mars, très inhabituels à cette période de l’année mais un présage de ce que les dieux avaient préparé pour Nicolas Jacob, notre maître de chai, et son équipe.

Le changement à partir d’avril fut radical : le froid (-2° C le 13 avril) et l’humidité s’installèrent. Il devint ainsi impossible de labourer dans les vignes et l’herbe poussa sauvagement, encouragée et alimentée par la pluie. Pour les mêmes raisons, il nous fut très difficile de traiter les vignes : nous devions être prêts à chaque épisode non pluvieux pour donner aux plantes la protection dont elles avaient besoin. Malgré une vigilance constante, le mildiou fit son apparition et attaqua les vignes avec vigueur, éliminant un pourcentage de la production difficile à évaluer mais significatif. L’oïdium trouva également des conditions favorables. La grêle leur prêta main forte le 30 juin, s’abattant sur l’ensemble de la Côte de Beaune, dont notre Montrachet.

La floraison débuta le 9 juin mais elle dura plus d’un mois à cause des températures froides persistantes. Ceci donna lieu à une coulure importante.

Voici le bilan des trois mois où il plut tous les trois jours :
• une production déjà réduite par la coulure et le mildiou qui risquait d’être hétérogène au moment de la récolte à cause de la floraison interminable,
• mais en même temps, la coulure avait produit une quantité intéressante de millerandage, qui contribue toujours à des vins vigoureux et sains, de qualité,
• autre point positif : suite à un printemps précoce, la pousse de la végétation avait ralenti ; nous avions donc pu procéder à des tâches manuelles plus efficacement et plus posément, comme l’ébourgeonnage, par exemple,
• enfin, le début d’année exceptionnellement chaotique était peu à peu revenu à la normale et la floraison aboutit à des vendanges fin septembre.
La dernière « excentricité » printanière eut lieu fin juin : une vague de chaleur de plusieurs jours calcina les jeunes grains les plus exposés au soleil, ce qui diminua encore la production et augmenta les probabilités de devoir procéder à un tri supplémentaire pendant les vendanges pour écarter les grains brûlés.

La nature retrouva enfin son calme en juillet. Nous avions subi des pertes, mais l’ennemi avait battu en retraite. Grâce à ces conditions plus douces, il nous fut possible de labourer efficacement, allant parfois jusqu’à faire trois passages entre les vignes pour les débarrasser des mauvaises herbes envahissantes. Les derniers traitements préventifs furent administrés au début du mois d’août… et nous n’avions plus qu’à miser sur une météo enfin conforme aux normes de saison.

Et c’est en effet ce qui se passa…

Août fut chaud et ensoleillé avec une vague de chaleur et des orages aux alentours du 15. À chaque fois, malgré le vent qui soufflait souvent vers le sud, le temps sec suivit. La vigne, bien arrosée par les pluies, nourrit le raisin généreusement, la photosynthèse en profita et la production de sucre augmenta très rapidement. Juste avant la récolte, nous avions :
• de petites grappes de raisin à la peau très épaisse et un haut pourcentage de grains affectés par le millerandage,
• des tâches dues au soleil sur un nombre significatif de grappes du côté de la vigne exposé au soleil suite aux vagues de chaleur, surtout celle de juin,
• sur certaines grappes, un ou deux grains qui n’avaient jamais mûri et qui étaient restés verts, écartés lors du tri,
• pas de botrytis.
Bref, une récolte très saine qui pouvait attendre de mûrir totalement. Tel fut notre choix, prenant le risque, au moment de choisir la date de récolte, de largement dépasser les cent jours qui séparent d’habitude les vendanges de la mi-floraison.

Les vendanges des vignes de Corton et de quelques jeunes vignes de Vosne-Romanée débutèrent avec l’aide d’une petite équipe le vendredi 21 septembre, avant le lancement des « grosses » vendanges à Vosne-Romanée le lundi 24 septembre. Malheureusement, la météo se détériora à partir du mardi et il plut toute la journée du mercredi 26 ! Bien sûr, pris d’anxiété, les vendanges furent totalement interrompues ce jour-là à cause de la crainte d’une féroce attaque de botrytis le jour suivant.

Mais deux facteurs préservèrent le raisin : d’un côté, la peau très épaisse et résistante des grains, et de l’autre, le temps particulièrement froid pour la saison qui empêcha le botrytis de se développer. La récolte fut miraculeusement épargnée. Comme chaque année, il y eut tout de même un tri à la récolte afin d’écarter les grains brûlés et ceux qui n’avaient pas changé de couleur en mûrissant. Ainsi, le travail à la table de tri fut minimal et l’équipe en charge constata une récolte parmi les plus saines de ces dernières années. Puisque le temps était resté frais, le fruit arriva au chai à une température optimale, aux alentours de 15° C, ce qui permit quelques jours de macération avant un début lent et progressif de la fermentation.

La fermentation dure maintenant depuis presque trois semaines sous la supervision bienveillante de Bernard Noblet et de son équipe de vinification. Les premiers vins ont été extraits des fûts, en particulier à Romanée-Conti où le raisin fut mûr et donc récolté plus tôt. Les vins sont très prometteurs, d’une belle couleur et aux arômes frais et délicats.

DRCMontrachet connut des difficultés supplémentaires : de la grêle à deux reprises cet été, comme dans toute la Côte de Beaune. Le raisin en pâtit considérablement. Les vendanges débutèrent le vendredi 28 septembre, autrement dit avant la fin des vendanges pour le vin rouge. La récolte avait été endommagée par la grêle, le botrytis et l’oïdium et nécessita un tri drastique. Il s’agit d’une très faible récolte, la plus faible ces dernières années. Nous nous attendons à un vin de très grande qualité mais le rendement ne correspondra même pas à la moitié de ce que nous produisons habituellement.

En ce qui concerne les vins rouges, le rendement est d’environ 20hl/ha, soit environ 25 % de moins que d’habitude. Le rendement moyen en 2009 par exemple était de 30hl/ha.

Des vendanges comme celles qui viennent de s’achever rappellent, même si cela n’était peut-être pas nécessaire, l’importance du hasard (et de la chance) dans le succès ou l’échec d’un millésime. Comme je le disais l’année dernière, il est essentiel d’attendre que le raisin soit totalement mûr. Contrairement à cette année où la récolte était en parfaite santé, le botrytis avait eu un impact négatif significatif sur la récolte de l’année dernière. Mais dans les deux cas, il fut primordial d’attendre la maturité totale et nous avons eu la chance de voir la météo devenir notre alliée, garantissant des températures assez fraîches pour que le raisin survive aux fortes pluies du mercredi 26 septembre sans subir d’attaque de botrytis.

Les pertes dues aux attaques consécutives de mildiou et du soleil sur certaines grappes furent certes significatives, mais cette réduction en quantité contribua à la qualité, l’amoindrissement de la production permettant au raisin sain de mieux mûrir. Il est fort possible que nous n’ayions pas atteint une telle maturité et une telle qualité sans pertes.

Début des vendanges :
• Corton : 21 septembre
• Romanée-Conti : 22 septembre
• Grands Échezeaux : 22, 24 et 25 septembre
• La Tâche : 25 et 27 septembre
• Richebourg : 27 et 28 septembre
• Montrachet : 28 septembre
• Romanée-St-Vivant : 28 et 29 septembre
• Échezeaux : 29 et 30 septembre

Source: Aubert de Villaine 
Jancisrobinson.com
14 novembre 2012

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