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Interview: Chantal Perse, Chateau Pavie, St-Emilion

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Chantal Perse et son mari Gérard, un ancien directeur de supermarchés, ont acheté deux domaines de Saint-Émilion, le Château Monbousquet (en 1993) et le Château Pavie (en 1998). Depuis leurs débuts bordelais, ils ont grandement amélioré les infrastructures du Château Pavie avec à la clé sa promotion au rang de Premier Grand Cru Classé A.

Pavie

Quelles ont été les réactions à votre arrivée à Saint-Émilion ?

Pas très bonnes ! Peut-être parce que nous arrivions avec de l’argent. Nous avons acheté un vignoble dans une région où nous n’avions pas de racines. Mon mari est très intelligent ; il a son idée de ce qu’est un vin de qualité, il a pratiqué la vendange verte et amélioré de nombreuses choses dans les vignes. Beaucoup de personnes l’ont observé et l’ont traité de fou… « Il a trop d’argent, il fait des choses bizarres. » C’était un peu difficile au début mais maintenant, ça va mieux.

Dans quel état était Pavie quand vous en avez fait l’acquisition en 1998 ?

Pas très bon, mais c’est aussi pour cette raison que nous avons pu nous le permettre. Si tout avait été en parfait état, il aurait été [trop cher] pour nous. Nous avons dû remplacer le chai et la vieille cave, et replanter le vignoble. Il y avait beaucoup à faire, mais c’est un des meilleurs terroirs de Saint-Émilion. Il était urgent de faire quelque chose car la cave était vraiment vieille, avec de grandes cuves en béton.

En quoi le vin a-t-il changé depuis votre arrivée ?

Son style a beaucoup changé entre 1997 (la dernière année où [l’ancien propriétaire] M. Vallette était aux manettes) et 1998. La première année, nous avons divisé les rendements par deux avec la vendange verte. Nous avons aussi vendangé très tard. Tous les autres producteurs de Saint-Émilion avaient fini leur récolte quand nous avons commencé la nôtre, donc notre raisin était très mûr, avec une plus forte concentration. Le changement a été net.

Par contre, entre 1998 et maintenant, je ne pense pas qu’il y ait eu de gros bouleversements. Nous connaissons mieux le terroir, il s’agit plutôt d’une évolution.

Est-ce que le mélange de cépages a changé depuis que vous avez repris l’affaire ?

Quand nous replantons, nous essayons de changer les variétés pour nous adapter au réchauffement climatique. Nous avons beaucoup de merlot et un peu de cabernet sauvignon ; nous sommes donc à la recherche d’un meilleur équilibre et de vins moins puissants. Le problème dans le bordelais actuellement, c’est que les niveaux de sucre dans le raisin grimpent rapidement. En ce moment, nous travaillons avec 70 % de merlot, 20 % de cabernet franc et 10 % de cabernet sauvignon.

Est-ce que vous vous attendiez à la promotion de Château Pavie ?

Nous l’espérions. Nous n’étions pas juges, alors nous ne pouvions qu’espérer et nous avons été récompensés. Le jury [décide] qui peut être promu, selon la qualité du vin, la qualité du terroir ; il a des critères bien précis.

Qu’avez-vous ressenti quand vous avez appris la nouvelle ?

D’abord beaucoup de joie, d’émotion et de fierté. Nous avons félicité l’équipe tout en leur rappelant que nous devions travailler toujours plus pour maintenir ce rang.

Comment avez-vous fêté ça ?

Nous avons invité toute l’équipe au vignoble. Nous avons déjeuné tous ensemble et mon mari a donné une prime à chacun.

Certaines personnes sont-elles jalouses de votre réussite ?

Oui, c’est humain. Tous les viticulteurs pensent faire tout leur possible, travailler dur, et quand ils entendent qu’un autre domaine a été promu, ils ne comprennent pas pourquoi ils ne sont pas récompensés, eux.

Certaines personnes ont été déçues à l’annonce de notre promotion. Ils étaient heureux pour nous, mais aussi un peu jaloux. Ça ne me dérange pas. Je suis fière de la façon dont nous avons fait les choses ; nous n’avons pas triché.

Vous avez augmenté votre prix de plus de 50 % pendant la difficile campagne des primeurs 2012, alors que la plupart des bordeaux ont réduit leurs prix d’environ un tiers. Pourquoi ?

Nous avons augmenté notre prix d’environ 58 % pour refléter notre nouveau classement. Il aurait été ridicule de ne pas le faire. Je pense qu’il est important qu’il y ait une différence entre les catégories.

Il est vrai que l’année a été particulièrement difficile, certains consommateurs ont été moins enclins à payer plus. Nous n’avons cependant aucun regret. Nous avons opté pour un positionnement sur le marché plus élevé que celui de nos collègues. À présent, nous proposons quelque chose de différent : une nouvelle cave, une nouvelle image.

À qui est destiné votre vin ?

Nous faisons du vin pour le consommateur, mais selon notre goût.

Quel est votre principal marché pour le moment ?

Nous exportons vers 60 pays, mais Hong Kong et la Chine sont nos plus gros marchés.

Quand et pourquoi avez-vous lancé Esprit de Pavie ?

En 2008. Nous avions une propriété dans les Côtes-de-Castillon. Même si ses vins sont très bons, ils ne sont pas très faciles à vendre. Mon mari s’est demandé ce qu’il pouvait faire de ce raisin. Ajouté à celui des jeunes vignes de Pavie, nous avons ainsi pu créer Esprit de Pavie.

Vous possédez plusieurs autres propriétés dont Monbousquet et Pavie-Decesse. Est-ce que cela vous agace que seul le Château Pavie attire l’attention des médias et des consommateurs ?

Quand on se rend à Saint-Émilion, on veut visiter le domaine phare. Si ce n’est pas possible et que nous proposons de visiter Monbousquet ou Pavie-Decesse, on nous répond « Non merci, nous reviendrons dans deux ans ». C’est normal : si vous visitez Paris, vous préférez faire du lèche-vitrine place Vendôme.

Votre fille vit au domaine, avec vos deux petits-enfants. Va-t-elle reprendre les rênes quand vous déciderez de prendre votre retraite ?

Oui, elle travaille déjà pour le domaine, avec son mari. Nous prévoyons de transmettre la propriété à notre fille, peut-être dans 20 ans !

Source : Rebecca Gibbs
WineSearcher.com
3 juillet 2013

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