Liv-ex : le prix de la rareté bourguignonne
Les prix des grands bourgognes commencent à distancer ceux des Premiers Grands Crus bordelais. Alors que la région continue à parier sur sa rareté, il n’est pas étonnant de remettre en question la valeur de ses vins par rapport à ceux du Bordelais.
En ce début 2016, les vins de Bordeaux font à nouveau grise mine.
Pour le Bordelais, 2015 aura été une année plus stable que les quatre précédentes : l’indice Liv-ex Fine Wine 50 n’a diminué que de 0,7 % et le Bordeaux 500 a fini l’année sur une baisse de 0,2 % seulement.
Un scénario très différent de celui d’une autre grande région du vin français, la Bourgogne.
L’indice Burgundy 150 (un sous-indice du Liv-ex 1000) a atteint un nouveau record en 2015. Il a terminé l’année sur une hausse de 1,3 % et a fait partie des meilleurs indices Liv-ex. Il rassemble six Domaine de la Romanée-Conti et dix autres vins (cinq blancs et cinq rouges) et correspond globalement aux Premiers Crus bourguignons.
Comme le montre le graphique 1, depuis décembre 2003, les prix ont augmenté de 200 % pour flirter avec ceux du bordeaux quand il était à son sommet et approcher un nouveau record. Mais y a-t-il un risque que ces prix connaissent la même destinée que ceux du bordeaux ?
Le tableau affiche des prix pour la plupart des vins rouges de l’indice Burgundy 150 qui égalent ou dépassent à présent ceux des Premiers Grands Crus bordelais.
Le prix moyen d’une caisse de Haut-Brion est 3 333 £ (4 363 €, pour les millésimes 2003-2012), et sa note moyenne est de 96,4 (comme le Domaine de la Romanée-Conti), mais pour un score POP (ration prix/points) d’à peine 203.
Même Lafite Rothschild, avec un score POP moyen de 313, propose une valeur relative meilleure que sept des bourgognes en question.
Comparé à d’autres régions, les prix du bourgogne semblent encore plus déséquilibrés ; le prix moyen d’une caisse de « Super-Toscan » italien est de 1 725 £ (2 259 €), et de seulement 1 396 £ (1 828 €) pour le champagne. Les grands bourgognes (et surtout DRC) exploitent encore leur caractère exclusif.
DRC n’a produit que 5 673 bouteilles en 2011, et même La Tâche (le plus gros volume) a seulement produit 18 196 bouteilles cette année-là, soit 1 516 caisses de 12 bouteilles de 75 cl.
En comparaison, Lafite Rothschild produit en moyenne 16 000 caisses par an. Les notes attribuées au bourgogne par The Wine Advocate sont en général moins élevées que celles du bordeaux. La dernière note de 100 points du Domaine de la Romanée-Conti date de son millésime 1985. Néanmoins, tant que la demande dépassera l’offre, on continuera de s’arracher les grandes marques bourguignonnes.
Quand le Bordelais a perdu la cote en 2011, la Bourgogne a tout naturellement hérité de l’intérêt des acheteurs. Depuis 2006, c’est la deuxième région du Liv-ex en termes d’échanges. Elle a contribué à un sommet de 7 % dans ce domaine en 2013.
Pourtant, certains négociants ont beau parler d’une demande constante, l’intérêt du marché est bien en déclin. En 2015, la part de marché de la Bourgogne a baissé de 6 % au profit de l’Italie (7,1 %) et de la Champagne (6,5 %). Cela fait déjà quelques années que l’ascension de la Bourgogne ne semble pas pouvoir durer.
Maintenant que les prix des Premiers Grands Crus bordelais ont chuté de 40 % par rapport aux sommets qu’ils avaient atteints et continuent de baisser, le fossé en valeur entre les deux régions se creuse.
Quand les acheteurs peuvent acquérir trois caisses de Haut-Brion pour le prix d’une caisse de DRC Richebourg, est-il justifié de payer la rareté si cher ?
27th January, 2016 by Neal Baker